D’après une vaste étude française menée par l’INSERM, les douleurs chroniques affectent environ 30% des adultes. Cette prévalence augmente avec l’âge. Dans les deux tiers des cas, les douleurs sont d’intensité modérée à sévère. Elles affectent davantage les femmes et les catégories socioprofessionnelles les moins favorisées. Elles sont souvent associées à des dépressions, de l’anxiété, des troubles du sommeil et une altération de la qualité de vie. En raison de cet impact et des recours au système de soins induits, la douleur a un coût socio-économique élevé. Selon une étude du Dr Peta Stapleton, l’EFT Clinique semble être une piste prometteuse.

Aux Etats-Unis, la douleur chronique actuelle touche environ 50 millions d’individus (20 à 33 % de la population adulte américaine) et représente une crise majeure des soins de santé en raison des problèmes physiques et émotionnels invalidants qui lui sont associés (Gaskin & Richard, 2012). Les coûts de soins de santé explosent pour atteindre 635 milliards de dollars par an (Dahlhamer et al., 2016 ; Johannes et al., 2010).

Les données issues d’essais contrôlés randomisés révèlent un manque de rigueur dans la qualité des preuves rapportées sur l’efficacité de la kinésithérapie pour traiter et améliorer la douleur chronique (van Middelkoop et al., 2011). En outre, bien que les traitements pharmacologiques, plus précisément les prescriptions d’opioïdes, aient augmenté de façon exponentielle (Kenan et al., 2012), ces médicaments sont souvent inefficaces et comportent un risque élevé de dépendance et de décès (Abdel Shaheed et al., 2016).

De même, les preuves méta-analytiques de l’utilisation de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pour traiter la douleur chronique en tant qu’adjuvant à la thérapie physique, démontrent un bénéfice limité ou nul (Hajihasani et al., 2019).

En raison de ces preuves limitées et de ce vide thérapeutique, plusieurs interventions psycho-corporelles innovantes ont émergé comme traitements potentiels de la douleur chronique. La justification de ces approches psychothérapeutiques (fournies au niveau du corps) est indiquée par le nombre croissant d’études rapportant l’acceptation des sensations corporelles comme un mécanisme important pour faire face à la douleur et à la détresse.

L’intérêt de l’EFT Clinique

L’EFT est une technique manuelle de réduction du stress fondée sur des données probantes qui utilise des éléments de thérapie cognitive avec une stimulation physique des points d’acupression (Church, 2013a). Son efficacité a été établie pour la dépression, l’anxiété, les phobies et le trouble de stress post-traumatique (TSPT, Church 2013b) et des changements dans la biochimie tels que le cortisol, la pression artérielle, l’immunité et un potentiel épigénétique pour affecter l’expression des gènes associés à la symptomatologie du TSPT ont été établis (Bach et al., 2019 ; Church et al., 2012 ; Church et al., 2018 ; Stapleton et al., 2020).

Des revues systématiques et des méta-analyses ont indiqué des effets importants pour l’anxiété, la dépression et le TSPT (Church et al., 2018b ; Clond, 2016 ; Nelms & Castel, 2016 ; Sebastian & Nelms, 2017). Il est suggéré que l’EFT affecte l’activité de l’amygdale, et l’hippocampe (mémoire), qui jouent tous deux un rôle dans le processus de décision lorsque l’on décide si quelque chose est une menace. Il a également été démontré que l’EFT réduit les niveaux de cortisol (Church et al., 2012 ; Stapleton et al., 2020) et désactive les mécanismes neuronaux qui déclenchent des émotions ou des comportements indésirables. Il est donc logique que la réduction de cette hyperexcitation du système limbique permette une plus grande activité du cortex préfrontal.

Peta Stapelton à mis au point une première étude (en 2015) dans laquelle les patients évaluent une préoccupation (par exemple, un sentiment de détresse ou un malaise) sur une échelle d’unités subjectives de détresse (SUDS ; Wolpe, 1973) de zéro à 10. Une mesure subjective de zéro représenterait une absence de détresse et 10 serait la note la plus élevée. Les patients expriment ensuite leur détresse sous la forme d’une déclaration d’installation accompagnée d’une déclaration d’acceptation tout en tapant physiquement avec deux doigts sur le tranchant de leur main (point dit « karaté »). Par exemple, « Même si je m’inquiète pour xxxx, j’accepte de me sentir ainsi ». Le patient stimule ensuite manuellement (en tapotant) les points d’acupression définis par l’EFT, tout en énonçant une phrase de rappel de l’énoncé de départ (généralement la préoccupation principale, par exemple « ce souci »). Le processus est généralement répété jusqu’à ce que l’indice SUD du patient soit faible.

La recherche initiale sur l’EFT pour la douleur chronique (Stapleton et al., 2015) a offert un bref programme de traitement intensif de 4 heures aux participants d’un programme de douleur persistante. Au cours des 4 heures, on a observé une diminution significative de la gravité (-12,04%, p = 0,044) et de l’impact (-17,62%, p = 0,008) de la douleur des participants, et une amélioration significative de leur détresse psychologique globale (-36,67%, p < 0,001).

On a également constaté une amélioration significative de la dépression (-29,86 %, p = 0,007), de l’anxiété (-41,69 %, p < 0,001) et du stress (-38,48 %, p = 0,001) des participants. Une association significative a été trouvée entre la douleur et la détresse psychologique. Un effet principal global significatif du temps a été constaté lors du suivi à six mois.

Recherche actuelle

La recherche 2020 a maintenant examiné un programme de traitement EFT de 6 semaines pour la douleur chronique, livré en deux formats : le premier est autogéré (en ligne) et le second dirigé par un thérapeute (en direct et en ligne en raison du COVID). Les deux versions comportent une liste d’attente. Les participants (n=120 à ce jour) ont été répartis aléatoirement entre les deux options par sélection aléatoire informatique.

Les résultats préliminaires pour tous ceux qui ont subi l’intervention EFT (les deux types de pratiques de l’EFT) indiquent :

Une corrélation positive significative entre l’ACE (score des expériences négatives de l’enfance) et la présence de symptômes de PTSD.
Une corrélation positive significative entre l’ACE et le score de qualité de vie, de sorte que les participants ayant un score ACE plus élevé ont un score de qualité de vie plus faible.
Un nombre significatif de participants qui répondaient initialement au diagnostic de trouble des symptômes somatiques, de dépression, d’anxiété et de trouble panique n’y répondaient plus après l’intervention EFT.
Une amélioration significative de la qualité de vie de tous les participants s’est produite après le traitement EFT.
Une réduction significative de l’intensité de la douleur s’est produite après le traitement EFT pour tous les participants.

Pour le groupe qui attendait le traitement EFT (liste d’attente), il n’y a pas eu de différence significative dans les mesures pendant cette période avant le traitement. Leurs symptômes de dépression se sont en fait aggravés de manière significative, et ils ont également connu une baisse significative de leur bien-être.

Peta Stapleton et son équipe ont ensuite examiné les différences entre la version autogérée du programme et les sessions dirigées par un thérapeute. Pour le groupe à son propre rythme :

Il y avait une diminution significative du pourcentage de participants qui répondaient au diagnostic de trouble des symptômes somatiques, de dépression, d’anxiété et de trouble panique après l’intervention EFT.
Il y a eu une amélioration significative de la qualité de vie après l’intervention EFT
Il y a eu une réduction significative de l’intensité de la douleur après le traitement EFT.

Pour le groupe dirigé par un thérapeute, les participants ont obtenu les mêmes résultats que le groupe autogéré en termes de non-conformité au diagnostic et de réduction significative de la douleur, mais il n’y a pas eu d’amélioration significative de la qualité de vie des symptômes du SSPT et du bien-être.

Il semble que la version à rythme individuel ait obtenu un résultat légèrement meilleur et indique que ce mode de prestation peut convenir aux personnes qui ne peuvent pas assister aux sessions en personne. Une mise en garde s’impose ici : la taille des échantillons à ce jour est différente et les résultats seront analysés lorsque l’essai sera terminé. Un suivi à six et douze mois est prévu pour les personnes qui ont terminé l’essai, et un sous-groupe sera soumis à un scanner IRMf avant et après le traitement EFT, afin d’examiner les changements neuronaux après le traitement EFT. Ce groupe sera également évalué pour le tonus vagal en partenariat avec le Dr Stephen Porges et le Kinsey Institute Traumatic Stress Research Consortium, Indiana University (USA). Cette enquête examinera l’impact de l’EFT sur le tonus vagal des patients souffrant de douleurs chroniques.

d’après un article de Peta Stapleton, traduit et adapté en français